Quand la finance plume les petits porteurs : l’exemple Natixis

En 2006, des millions de petits clients de la Caisse d’épargne et de la Banque Populaire ont été activement incités à souscrire des actions Natixis à un prix de 21 euros. Pour beaucoup, il s’agissait de leur première expérience en bourse, voire d’une forme de patriotisme bancaire local. L’opération était vantée dans les agences comme une opportunité rare, presque une faveur. Dans les faits, elle s’est transformée en plumage en règle des petits porteurs.

Une opération d’ingénierie financière à rebours des intérêts des clients

La création de Natixis avait pour but de regrouper les activités de banque d’investissement des deux réseaux coopératifs, en les dotant de fonds propres par une introduction en bourse massive, censée rivaliser avec des poids lourds comme BNP Investment Partners. Mais à la différence de BNP, qui disposait d’une expérience éprouvée dans la gestion d’actifs, Natixis s’est lancée dans des investissements hasardeux, voire toxiques.

Parmi eux, des fonds adossés aux subprimes américains, qui allaient entraîner des pertes colossales.

De 21 euros à 0,90 euro : un effondrement symbolique

Après l’éclatement de la crise des subprimes, l’action Natixis s’effondre à moins de 1 euro dès 2008. Elle remontera péniblement vers 4 euros, avant que les actionnaires individuels ne soient forcés de vendre à ce prix, sans aucune possibilité de conserver leur titre. Là encore, l’éthique interroge : était-il légitime de priver ainsi les investisseurs de leur libre arbitre, même s’ils étaient minoritaires ?

Une opération de transfert de richesse déguisée

Cette histoire est emblématique d’un mécanisme récurrent : faire financer des montages risqués par les masses populaires, non averties, en captant leur confiance bancaire. Les clients des caisses d’épargne n’étaient pas des spéculateurs. Ils ont pourtant financé — à leur insu — des projets financiers à haut risque.

Ce comportement prédateur n’est pas un accident : il repose sur un calcul froid, à savoir qu’’il est plus facile de ponctionner des millions de petits que d’affronter les gros investisseurs. Ce que le scandale H2O viendra confirmer plus tard.

Une leçon amère : la culture financière est une forme de souveraineté

Ce cas met en lumière un problème de fond : l’immense inégalité face à l’information. Alors que les initiés peuvent arbitrer, sortir, racheter ou se couvrir, les petits porteurs sont piégés par leur fidélité et leur ignorance. Il est urgent de replacer l’éducation financière au cœur de la citoyenneté moderne.

Et de reconnaître que la finance, sous ses airs abstraits, est aussi un champ de lutte sociale.


Nicolas Gruet-Pollak
www.lemanufactureur.fr

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